MYD
Il y a quelque chose de passionnant à observer les différentes ondulations musicales que Myd a suivies avec le temps. On l’a vu faire le mariole, incognito, sur une croisière all-inclusive, danser sans s’arrêter dans des rues résidentielles de L.A., ou se dandiner lors de ses livestreams CoMyd 19 (“best dance show” selon Billboard devant Calvin Harris et Diplo) parfois seul et suave, parfois goguenard et entouré d’invités.
C’est un garçon qui sait faire rire de bien des façons, sans jamais trop se forcer, et qui par ailleurs sait aussi faire de la musique à peu près dans toutes situations. Born A Loser sort le 30 avril sur Ed Banger/Because Music et c’est son premier album après plus de dix ans de carrière et plusieurs EP notamment All Inclusive en 2017. Une carrière qui a démarré avec ses amis de Club cheval, alors qu’il terminait la Femis, à la toute fin des années 2000 : ce prodigieux quatuor de DJ/producteurs venus du Nord de la France, qu’il formait avec Sam Tiba, Panteros 666 et Canblaster, et dont il reste encore très proche, a donné un nouvel élan à la longue histoire de l’électro française. Il est ensuite passé par le label Bromance de Brodinski, a produit des hits pour les rappeurs SCH, Alonzo ou Theophilus London sur « Can’t stop » (feat. Kanye West), a remixé Dua Lipa et Major Lazer, et a été nommé aux Césars 2018 pour la bande originale de Petit Paysan. Aujourd’hui membre de l’écurie Ed Banger, il travaille autant avec le youtuber Squeezie qu’avec l’icône indie Mac DeMarco, et développe son image si singulière aux côtés de la photographe et réalisatrice Alice Moitié. Ce qu’on entend sur ce disque est logiquement la synthèse d’une décennie d’aventures personnelles et sonores : un périple entre la house, la pop et l’atelier bricolage, baigné dans une atmosphère d’été sans fin, à la fois hédoniste et mélancolique.
De l’album Born A Loser, on connaissait déjà “Moving Men” avec DeMarco, et avant lui le hit “The Sun”. Le titre « Born a Loser » est accompagné d’un clip bad trip où Myd croise dans son propre appartement son double perruqué. “La chanson est un hymne dédié à toutes les personnes qui se considèrent comme des losers. Je partage ce sentiment afin de leur donner toute la force nécessaire pour accomplir de grandes choses”, raconte l’artiste, de son vrai nom Quentin Lepoutre. Ces “grandes choses”, ce sont en l’occurrence ces quatorze morceaux qui semblent chacun conçu pour un mood particulier de cette fin de printemps et qui colleront sans doute tout aussi bien aux différentes séquences des journées estivales. Un paysage multiambiances qui navigue entre hymnes purement club (“Born A Loser”, “Together We Stand”, “Now That We Found Love”…) et rengaines plus délicates (“We Are the Light”, “Call Me”, “”Moving Men”). “Born A Loser a une structure singulière”, confie Myd. “Il y a des chansons pop, mais il y a aussi des partis pris extrêmes dans la production. Avant j’étais un peu timide de ce côté là. Cette fois-ci, je termine cet album avec plein de confiance. Je l’ai fait à ma façon et j’en suis vraiment très content, c’est hyper important de sentir le travail accompli”.
Le son très “feuilleté” de Born A Loser, c’est le résultat d’un travail d’empilement habile de couches et de détails, venus tant du répertoire vintage (on entend des samples d’Alton Ellis - Black Man’s Pride ou encore une guitare sèche très californienne), mais aussi de sons concrets (sonnettes de vélo, voix réelles captées au portable, bruits d’oiseaux…) et de couleurs plus contemporaines. Outre DeMarco, alter-ego américain de Myd, on entend le Britannique Bakar sur "Got It" ou le guitariste uruguayen Juan Wauters sur “Wether the Weather”. Pour le solaire et mélancolique “Let You Speak”, Myd troque sa casquette électro pour celle de l’indie pop, faisant écho à la musique de Metronomy. Le titre s’accompagne d’un superbe clip signé par l’américain Dan Carr (Dissidence Prod).
C’est un disque qui ressemble à son créateur : parfois mal élevé, mais toujours très inspiré et accueillant. C’est aussi un album que Myd décrit comme un projet qu’il a mené dans son coin, puisant dans son intimité et sa mémoire : “Pour moi l’album ponctue un chapitre plus qu’il n’en débute un autre", explique-t-il. “Je vois l’inspiration comme un poumon. Parfois c’est nécessaire de prendre de l’inspiration et du savoir d’autres gens. Puis viennent aussi les moments pendant lesquels vous devez beaucoup produire et c’est surtout comme ça que j’ai travaillé pour Born A Loser, tout seul. Je pense que le prochain chapitre me verra collaborer avec d’autres gens, et davantage partager ce que j’ai fait.”
Pour le moment on savourera en tout cas cet album personnel et généreux, où se mêlent les voix et les grooves, les joies et les peines, et où Myd dévoile, derrière le burlesque et le bizarre, un vrai don pour les tubes doux-amers.